Lundi 23 décembre 1996 :

Philatélie dans les TAAF |
Ce sont nos prédécesseurs qui nous ont accueilli à la descente de l'hélico et qui nous ont fait visiter la base et les alentours hier. Mais aujourd'hui, il faut se mettre au boulot car la passation des consignes et les explications des différentes "routines" à effectuer. Mon prédécesseur est assez occupé car, passionné par la biologie, il "remplace" un ornithologue parti par la première rotation du bateau. Une des première activité également sur la base, c'est la philatélie. Ou plutôt, pour les philatélistes! Le gérant postal reçoit une grande quantité de lettres à oblitérer venant du monde entier pour valider les fameux timbres des TAAF. Il est aussi de tradition que les laboratoires et les hivernants possèdent des tampons "décoratifs" et qu'ils répondent aux désirs des philatélistes en illustrant leurs lettres. Alors, on prend le temps de tamponner pour la gloire!!! Mais attention! L'approbation des services postaux est requise, aussi le tampon du laboratoire géophysique s'est vu notifier d'une interdiction pour caractère pornographique.
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Des instructions sont données aux hivernants pour respecter l'écologie du site (gestion des déchets, zones interdites, faune et flore à respecter...). Les conseils des anciens sont très précieux. Nous arrivons dans un milieu "hostile" et la vie en communauté demande aussi des efforts de tous. Par exemple, sachant qu'on va vivre plus d'un an sans argent, sans portefeuille, sans clés (pas de voleur?), le risque d'oubli du code de la carte bleue est réel!!! Mieux vaut le noter si l'on veut pouvoir profiter du retour pour voyager... |
Pétrels géants - Espèce très sensible |
Déjà une tempête se lève et la nuit va être agité au dortoir (bâtiment 52) qui a la fâcheuse habitude de trembler dès que le vent souffle...
Mardi 24 décembre 1996 :
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Réveillon de Noël sous le soleil en face des icebergs! Au laboratoire géophysique, la nouvelle équipe (dont je fais partie) commence à se mettre en place. Les tours de "routine" de surveillance et de mesures de l'ensemble des laboratoires géophy sont organisé. Étant cinq à participer, je suis donc bloqué un jour sur cinq au laboratoires géophy et le lendemain de ce "jour de routine", je fais la "nuit lidar", c'est à dire les mesures de la couche d'ozone avec un laser... Les anciens hivernants avait constitué un groupe de musique et nous ont proposé un spectacle très animé le soir au repas du réveillon de Nöel. Benoit Vapereau (qui joue du trombone) et moi-même (trompette) avons participé au concert aussi, même si étant arrivés il y a seulement 2 jours, les répétitions furent brèves!!!
Les cuisiniers et pâtissiers nous firent un repas admirable. Notre responsable du laboratoire de géophysique a offert à chacun de l'équipe 10 minutes de téléphone pour la France! Il faut dire que la minute de communication coûte 40 Francs alors c'est un beau cadeau. :-) Alors que la fête battait son plein (au son de l'accordéon des MortAdelles Vertes), quelques fadas de la rando entreprennent l'ascension du mont Cervin (bon disons que c'est une petite colline de rocher de l'archipel baptisée ainsi pour sa ressemblance avec le célèbre mont des Alpes...)
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Mercredi 25 décembre 1996 :
Dur dur le réveil le matin!!! Ici, les jours fériés, les dimanches ou les vacances n'existent pas. Quoi qu'il se passe, il faut que les observations scientifiques continuent. Cela dit, l'organisation du travail étant libre aussi, il y a beaucoup d'avantages (comme décider de partir se balader quand il fait beau et travailler à l'intérieur quand il neige!). Le repas du jour de Noël fut encore un délice...
Le soir, comme tous les mercredi et dimanche, c'est séance de cinéma! En fait, dans le bâtiment Séjour, on installe un grand écran avec un projecteur vidéo tri-tubes et un magnétoscope, et c'est parti pour le ciné (la base possède une sérieuse vidéothèque de plus de 1000 cassettes environ). bien sur, il y a la première parti avec un court métrage, un documentaire ou des comiques. Puis vient l'entracte où le pâtissier joue le rôle de l'ouvreuse qui propose bonbons, chocolats et glaces maison. Et enfin le film que propose l'équipe cinéma. Un vieux projecteur ciné 16 est aussi parfois utilisé pour passer des vielles bobines avec l'image qui craque! Histoire de faire des soirées un peu ciné rétro...
Jeudi 26 décembre 1996 :
Ce soir, émission spéciale sur la radio locale! La base de Dumont D'Urville est en effet équipée d'une station de radio FM qui diffuse des programmes musicaux sur les alentours... Il s'agit d'un émetteur FM de faible puissance (parait-il qu'il a été récupéré lors d'une saisie de radio pirate avant l'époque des radio libre) que l'on peut recevoir sur les 88 MHz FM ainsi qu'un amplificateur pour la base qui distribue la musique sur les enceintes dont presque tous les bâtiments sont équipés. Le studio est hébergé au bâtiment géophy et le matériel se résume à 2 platines CD, une platine vinyle, un double lecteur cassette, deux lecteurs à bande Revox, deux micros et une table de mixage. Si la journée, le programme musical est assuré par la personne "bloquée" à géophy pour la "routine", il y a généralement une émission hebdomadaire animée par des DJ locaux!!! Bref, ce soir, dernière émission "SKUAROCK" de l'ancienne équipe avec transmission des pouvoirs à la nouvelle équipe!
Samedi 28 décembre 1996 :
Ces jours-ci ont commencés les visites d'incorporation. C'est juste une petite visite médicale pour les volontaires à l'aide technique (appelés du contingent), histoire de voir si tout va bien et de commencer le suivi médical pour l'hivernage. En effet, il y a plusieurs visites obligatoires au cours de tout le séjour dans le district pour déceler le moindre problème à temps. C'est le médecin (qui est le chef de district aussi cet année) qui a en charge toute l'infrastructure médicale sur place. Il joue le rôle de docteur, chirurgien, dentiste et accessoirement, psychologue. Évidement, les moyens sont limité: un bloc opératoire bien équipé et un cabinet de dentiste. Une équipe médicale est formé avec des volontaires pour le cas où... L'équipement s'est vu renforcé cet année par l'installation de matériel informatique pour faire de la télémédecine. Un scanner (pour les radios), une caméra avec un PC puissant et un modem, histoire d'avoir une liaison directe avec la métropole pour une éventuelle assistance de diagnostic.
Dimanche 29 décembre 1996 :
Cet après midi, nous avons été nombreux à nous balader sur les derniers reste de banquise (ça commence à fondre sérieusement mais ça tient encore). Nous avons entrepris d'aller jusquà la base de départ des raids sur le continent (au Cap Prud'homme, nom donné en hommage au météorologue disparu lors d'un des premières hivernages sur la base Dumont d'Urville). Le temps était superbe (soleil) et c'est assez amusant de nous voir marcher sur cette mer gelé en chemisette! La base Prud'homme (occupée juste l'été) est contistué d'un petit bâtiment qui sert à la fois de dortoir-cuisine-salle d'eau et d'atelier. Les "raids" (long convois de matériels) sont destiné à la construction et à l'intendance de la future base Concordia à Dôme C (forage glacière situé en plein milieu du continent).
Entre deux raids, la base est occupé par deux ou trois personnes (souvent des italiens) qui s'occupent de préparer le matériels et les engins. Ils nous ont accueillis à bras ouverts, heureux de voir un peu de monde de la nouvelle équipe. En arrivant au dessus de la base, nous avons eu la surprise de découvrir un télescope américain! Ce dernier, aéroporté par ballon, devait survoler tout l'antarctique pour des observations du rayonnement solaire. Malheureusement, il s'est écrasé et en passant, le raid Français l'a donc ramassé dans le but de le réexpédier aux américains.
Mardi 31 décembre 1996 :
Nous avons reçu la visite de touriste! En effet, un bateau de croisière autour de l'Antarctique, le KAPTAIN KLEBNIKOV, a fait halte dans notre base. Nous avons gentiment fait visiter la base et les alentours aux touristes (souvent très âgés, la croisière dure un mois et coûte très très cher). Il faut préciser qu'il vaut mieux encadrer ce genre de touristes qui ne sont pas toujours au courant des nuisances qu'ils peuvent provoquer en approchant la faune ou la flore locale, voir même des risques qu'ils courent (banquise, crevasses). La visite s'est terminé par un apéritif dans le séjour où les échanges de tee-shirt ou d'écusson sont allés de bon train. En retour, le brise glace devait libérer notre pauvre petit bateau polaire (en fait, c'est juste un remorqueur monté avec une double coque). Hélas, une fois la visite finie, il leur fut facile de prétexter un manque de carburant dangereux pour un détour de quelques kilomètres, ou une glace trop importante, et l'Astrolabe resta coincé.
Encore une fois, une grande fête bien arrosé (eh oui, l'alcool est gratuit en Terre Adélie, selon une volonté de Paul Émile Victor!) pris place pour notre réveillon. Cette fois-ci, nous fûmes plus nombreux à gravir le mont Cervin, qui résonna au son de ma trompette une fois au sommet! Cette ascension de la nuit du 1er du mois devient une tradition pour certains d'entre nous qui la renouvelait tous les 1er du mois.
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