Un demi-siècle d'expéditions polaires


 
 
 

1934, Paul-Émile Victor découvre le Groenland. Il a obtenu du Dr J.-B. Charcot d'embarquer sur le Pourquoi Pas ? avec trois compagnons, le Dr Robert Gessain, Michel Perrez et Fred Matter. Ils passent l'hiver à Ammassalik, sur la côte est où ils effectuent des travaux d'ethnologie et des observations géophysiques. Ils repartent l'année suivante afin d'accomplir, à pieds et en traîneau à chiens, la traversée de l'inlandsis groenlandais, d'ouest en est, de Christianhaab à Ammassalik. Le Danois Eigil Knuth a remplacé Fred Matter. P.-E. Victor restera au Groenland où il passera l'hiver 1936-1937, adopté par une famille esquimau, à Kangerdlugssuatsiak, à 250 km au nord d'Ammassalik.

De cette première période, P.-E. Victor a rapporté un abondant matériel ethnographique et de nombreuses interrogations de nature géophysique : quelle est l'épaisseur de la calotte glaciaire ?, quel est le profil du socle rocheux ?, cette masse de glace, témoin de la dernière glaciation, est-elle en équilibre ?, quel rôle tient l'inlandsis groenlandais dans la climatologie de l'atlantique nord ? Il ne pourra tenter de répondre à ces questions qu'après la seconde guerre mondiale. L'expérience qu'il y a acquise dans les rangs de l'US Air Force où il participe à la recherche et au sauvetage des équipages perdus en Arctique, va le conduire à repenser les techniques de l'exploration polaire, en mécanisant les raids et en les approvisionnant en vivres et en carburant à partir de moyens aériens. C'est dans cet état d'esprit qu'à son retour en France, en juillet 1946, il va préparer son retour au Groenland. Mais, ce même été, trois jeunes montagnards, J.-A. Martin, Robert Pommier et Yves Vallette, qui viennent de découvrir et d'atteindre le véritable sommet du Spitzberg, ont la révélation de l'existence de la Terre-Adélie, de sa revendication par la France et constatent que depuis sa découverte en 1840 aucun Français n'y est retourné. Ils convaincront P.-E. Victor de ne pas se limiter au Groenland et d'organiser la redécouverte de la Terre-Adélie.

C'est donc un projet couvrant l'Arctique et l'Antarctique que P.-E. Victor, aidé d'André-Franck Liotard qui sera le premier chef d'expédition vers la Terre-Adélie, soumet début 1947 au premier gouvernement de la quatrième République. Malgré les énormes difficultés de l'après guerre - France dévastée, ravitaillement difficile,.. - le Conseil des ministres approuve l'idée le 28 février 1947 - date retenue comme la naissance des Expéditions Polaires Françaises - et charge P.-E. Victor de la mettre en oeuvre. En quelques mois, l'organisation des Expéditions Polaires Françaises - Missions Paul-Émile Victor est mise en place. Le Président de la République, Vincent Auriol, accorde son Haut Patronage, l'Assemblée Nationale vote les crédits, l'Académie des Sciences établit les programmes de recherche. Sous la tutelle du ministre de l'Éducation Nationale, le comité directeur regroupant, autour de P.-E. Victor, Robert Gessain, Raymond Latarjet, André-Franck Liotard et Michel Pérez, entre en fonction début septembre. L'Académie, de son côté a mis en place une commission scientifique regroupant les plus grand noms de la géophysique et de la biologie.

Au cours de l'été austral 1947-1948, Y. Vallette avec les Australiens et A.-F. Liotard avec les Britanniques participent à des missions en Antarctique. Le 14 mai 1948 l'expédition préparatoire au Groenland, forte de 28 membres, quitte Rouen sur le navire norvégien Force. Le 26 novembre 1948 l'aviso Commandant Charcot, acquis par les Expéditions Polaires Françaises, armé par la Marine Nationale et commandé par le Capitaine de Frégate Max Douguet, quitte Brest pour la Terre-Adélie. Partie trop tard, affrontant en néophytes les glaces antarctiques particulièrement abondantes cette année-là, l'expédition ne peut atteindre la côte. Il faudra attendre le 20 janvier 1950, soit très exactement 110 ans après le débarquement de Dumont d'Urville, pour que la seconde expédition atteigne enfin la Terre-Adélie. Durant quatre ans les expéditions vont se succéder tant au nord qu'au sud.

Au Groenland, après la campagne préparatoire qui a reconnu un site de débarquement et aménagé l'accès au plateau glaciaire - l'inlandsis - des missions se succèdent jusqu'en 1953. Pour la première fois, elles bénéficient d'un support aérien qui les ravitaille en carburant et apporte sur place une part importante du matériel. Une base d'hivernage est installée en 1949 au centre de l'inlandsis (70° 54 N - 40° 42 W). Elle est creusée dans le névé pour être protégée des tempêtes et des grands froids de l'hiver. 125m de couloirs relient la maison d'habitation en bois (5mx8m) aux différents laboratoires et soutes de stockage. Huit hommes, sous la direction de Robert Guillard, y passeront l'hiver 1949-1950, neuf, avec Paul Voguet, celui de 1950-1951. Ils pratiqueront, dans des conditions souvent critiques, des observations météorologiques, comprenant des radiosondages, et des mesures géophysiques et glaciologiques.

En Terre-Adélie, dès leur arrivée, les onze hommes d'André-Franck Liotard, aidés par l'équipage du Commandant Charcot, assemblent la baraque préfabriquée qui abritera leur hivernage : Port-Martin est fondé. En 1951, une seconde équipe de 17 hivernants, dirigée par Michel Barré, prendra leur relève. En 1952, c'est le drame. Alors que la nouvelle équipe vient de s'installer dans la base, un incendie se déclare le 24 janvier et détruit entièrement les installations de Port-Martin. C'est l'abandon. Mais ces deux années ont été riches en enseignements scientifiques : météorologie, magnétisme terrestre, sismologie, optique atmosphérique, sondages ionosphériques, hydrologie, glaciologie, géodésie et cartographie de la côte de Terre-Adélie. Des travaux de biologie animale sont amorcés et surtout une colonie de manchots Empereurs est découverte à Pointe-Géologie à 80 km à l'ouest de Port-Martin, où, en 1840, Dumont d'Urville avait débarqué. Pour l'observer, un groupe de quatre hommes devait hiverner à proximité en 1952. L'incendie de la base principale aurait dû remettre en question cette campagne. Au contraire, sept hommes décidèrent de réaliser, malgré tout, le programme et hivernèrent, dans des installations en partie improvisées, sur l'Île des Pétrels. Au prix de difficultés innombrables, animés par leur chef, Mario Marret, ils réussirent l'impossible.

En 1953, les Expéditions Polaires Françaises marquent une pause. Le bilan de cette première période est largement positif. Les résultats scientifiques acquis sont considérables, mais, au total, ils ont mis plus de problèmes en évidence qu'ils n'ont résolu de questions. Continuer implique de franchir une nouvelle étape du progrès des technologies polaires. Mais un événement considérable se présente qui va bouleverser, au moins pour l'Antarctique, la recherche polaire, c'est l'année géophysique internationale (AGI). En octobre 1952, le conseil international des unions scientifiques demande à ses états membres de coordonner leurs efforts d'investigation dans tous les domaines de la connaissance de la Terre, au cours d'une période de 18 mois, du 1er juillet 1957 au 31 décembre 1958, pendant un maximum d'activité solaire. L'Antarctique est l'objectif principal. En France, l'Académie des Sciences met en place un comité pour l'AGI que préside le R.P. Lejay et un sous-comité antarctique que préside P.-E. Victor et qui s'appuiera sur les Expéditions Polaires Françaises pour organiser trois expéditions en Terre-Adélie. Bertrand Imbert en assure la direction générale.

En 1956, une première expédition va construire une base nouvelle, moderne, dans l'Île des Pétrels dont le climat a été trouvé moins rude que celui de Port-Martin. C'est Dumont-d'Urville. Les observations commencent, mais c'est surtout la mission suivante qui apportera l'essentiel des équipements scientifiques et qui démarrera le programme de l'AGI. Son effort sera poursuivi par une troisième équipe en 1958. Simultanément, à 320 km à l'intérieur du continent, à 2 400 m d'altitude, au milieu du désert de glace, une base annexe, Charcot, hébergera, en 1957 et 1958, deux équipes de trois hommes chargés d'observations météorologiques, magnétiques et glaciologiques.
Fallait-il poursuivre cet effort ? La décision a été difficile à prendre, mais finalement, avec l'appui du Général de Gaulle revenu au pouvoir, P.-E. Victor peut faire, à partir de 1959, de Dumont D'Urville un observatoire permanent dont l'intérêt ne se dévaluera pas. Dès lors les missions vont se succéder sans interruption jusqu'à nos jours. La base s'agrandira, se modernisera, les techniques les plus sophistiquées y seront mises en oeuvre, ses laboratoires rivaliseront avec les installations les plus performantes du monde entier. Toutes les facettes de la géophysique et de la biologie y seront étudiées. Des opérations spectaculaires pourront y être conduites dont il serait fastidieux de faire le bilan. Rappelons simplement quelques premières :


Mais les Expéditions Polaires Françaises n'oublient pas l'Arctique et vont revenir au Groenland à la fin des années 60. À la demande de la commission des neiges et glaces de l'association internationale d'hydrologie scientifique elles organisent l'expédition glaciologique internationale au Groenland (EGIG) en déployant des moyens terrestres (tracteurs HB40 de Hotchkiss) et aériens (Nord 2501 et Alouette II) considérables. Après deux campagnes de reconnaissance en 1957 et 1958, elles lancent en 1959, avec 65 participants, la campagne principale qui se prolongera par un hivernage de six hommes dans une station nouvelle, Jarl-Joset, à 230 km à l'est de l'ancienne station centrale. La campagne de 1960 clôturera la première partie de l'EGIG. Après une nouvelle campagne préparatoire en 1964, l'EGIG reprend en 1967 et 1968 avec deux nouvelles campagnes réalisées dans les mêmes conditions que celles de 1959. Le bilan scientifique est considérable. Les travaux ont porté sur la géodésie, le nivellement, la géophysique, la glaciologie, l'hydrologie, la météorologie. Plusieurs années seront nécessaires pour tout dépouiller et tout exploiter. Les Expéditions Polaires Françaises ne reviendront plus en Arctique avant 1988 dans des conditions toutes nouvelles (Eurocore). Tout leur équipement sera définitivement rapatrié du Groenland en 1974.

Après 45 ans de présence permanente en régions polaires au service de la recherche scientifique, les Expéditions Polaires Françaises ont contribuée à la création, en 1992, de l'Institut Français de Recherche et de Technologie Polaires (IFRTP), auquel elles ont transféré leurs responsabilités logistiques.

Bernard Morlet, en décembre 1996.
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